Georges Jouvin nous a quittés

Georges Jouvin – 19 juin 1923, Rennes – 24 octobre 2016, St Cloud

Georges Francis Raymond Jouvin aura marqué son temps et une page de l’histoire de la trompette.
Initié au cornet (Couesnon) par son père, Stéphane Jouvin, dès l’âge de 4 ans, et après des études de trompette classique aux conservatoire de Rennes et supérieur de Paris (1942-44, classe d’Eugène Foveau), Georges s’est lancé dans “le métier” dès l’âge de 20 ans. En effet, il joue à la radio et fait des séances de disques dès 1943. C’est Richard Blareau qui l’oriente vers les variétés jazzées.

Il monte une section de trompettes qui marque la période 1945-54, groupant Robert Fassin (lead), Yves Lalouette et lui (soliste mélodique) à laquelle se joint Roger Guérin dès 1948 (soliste jazz). Cette équipe de requins qui, comme le voulait Georges, joue classique/variétés/jazz s’impose pour les disques et au Cinéma-Théâtre Gaumont où les plus grands dont Raymond Sabarich viennent les écouter. Mes proches amis de sa génération, Jacques Jay, André Paquinet m’ont certifié qu’avant de devenir vedette, Georges Jouvin fut un excellent trompettiste de grand orchestre, capable d’assurer une partie de premier chez Jerry Mengo. En effet, avant 1954, Georges Jouvin fait l’affaire dans les grands orchestres jazzy de Jerry Mengo (pendant 15 ans), Jo Bouillon (1946, notamment avec Alex Caturegli, tp), Hubert Rostaing (1947), Aimé Barelli, Philippe Brun (duquel Georges pensait “beaucoup de bien”), Maurice Mouflard (1950, avec sa fameuse section -supra- il accompagne Charlie Parker à la radio!), Noël Chiboust, Michel Legrand (1952, pour des disques). Et on en passe! Il a enregistré, entre autres, pour Jo Bouillon et Josephine Baker (1949-50), “Paul Norman” alias Leo Souris (1952-53 avec Philippe Brun, tp, Hubert Fol, as, Jean-Claude Fohrenbach, ts, Armand Molinetti, dm : “Norman Boogie”, “Babylon Blues”, Polydor 560415). C’est à partir de 1952, qu’il débute une carrière de chef d’orchestre (au Carroll’s). Et surtout il signe un contrat de vedette des disques VSM (en 1954) et l’année même, il enregistre “Oh Mon Papa” qui fut un succès énorme (il utilise une trompette Aubertin avec un pavillon Besson).

L’orchestre de Georges Jouvin a utilisé des musiciens de classe comme Robert Fassin (tp1, 1953-60), le vibraphoniste Geo Daly (“The Man I Love”, VSM 7RGF 305), le saxophoniste Dominique Chanson (1957). Lui-même a été influencé par Harry James depuis la vision du film Le Bal des Sirènes (1944, MGM) et ses disques de la période 1954-60 en portent encore la trace (“Summertime”, etc). Georges a rencontré Harry chez Selmer (m’a-t-il dit). Devenu très populaire, grâce à plus de 25 millions de disques vendus, l’influence de Georges Jouvin est indiscutable pour deux choses : porter la trompette dans le coeur des gens, et créer chez les jeunes des vocations de trompettiste. Non seulement des “confrères de promotion” dans les études de trompette (à Tours), mais aussi des confrères de section de big band (comme celui de Marc Robert) ou du groupe de Jacques Jay, les Trumpet Brothers (à savoir Jacky Barrier) m’ont dit s’être mis à la trompette grâce aux disques de Georges Jouvin. Mon ami Roger Guérin nourrissait de l’estime pour Georges Jouvin. Ainsi, Roger m’a dit qu’une idée de producteur de grouper un représentant de chaque style de trompette, jazz, variétés, classique s’est d’abord portée sur Roger Guérin, Aimé Barelli et Maurice André. Mais il était quasi impossible de les réunir faute de disponibilité commune. Roger Guérin a donc conseillé de s’adresser à Georges Jouvin. Georges, en réunissant à ses côtés Roger Guérin (jazz) et Roger Delmotte (classique) a lancé les Trompettes de Paris (1970-71). Ce projet lui tenait à coeur car, nous l’avons vu, il a toujours voulu présenter la trompette sous ces trois aspects. Georges Jouvin, enfin, s’est impliqué dans le soutien des artistes, comme Vice-administrateur de la SACEM (il m’a aidé pour réduire les redevances de deux concerts qui furent des échecs) et Vice-Président du GRISS (caisse de retraite des artistes du spectacle) en soutenant les intérêts d’une multitudes d’artistes, jazz et variétés, dans la constitution de leur retraite (j’ai eu de multiples témoignages notamment par Loulou Vezant, tp).

 

J’ai connu Georges Jouvin à partir de 1979. Il est d’ailleurs venu assister puis me donner son avis dans les loges de la salle Jo Moutet à Chatou à l’issue d’un de mes concerts en ensemble de trompettes. Les contacts étaient restés épisodiques (gardantà son endroit le “vous” respectueux dû à un aîné illustre), mais fidèles puisque, hélas, c’est moi qui l’ait informé des décès successifs de Roger Guérin, Maurice André (ils entretenaient de la sympathie) et Fred Gérard (qui fut un rival pacifique dans le métier et pour les disques de variétés).

Réunion de famille Roger Delmotte, Georges Jouvin, Marcel Lagorce et Maurice André

Réunion de famille
Roger Delmotte, Georges Jouvin,
Marcel Lagorce et Maurice André

 

gjouvinhjames
photo : Georges Jouvin et Harry James, photo X, collection Michel Laplace (extraite du DVD-Rom, version 10)

Vidéos Orchestre Richard Blareau : Georges Jouvin, AndréCornille (tp), Jerry Mengo (dm), 1945

discorama, 1959
https://www.facebook.com/michel.laplace.779/videos/1532806697033862/?pnref=story

Avec le décès de Georges Jouvin la page d’une époque où la trompette était populaire s’est tournée.

Michel Laplace

source : Le Monde de la Trompette et des Cuivres (DVD-Rom)

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